guinguenecompterendudecade

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guinguenecompterendudecade [2017/02/11 19:25] – créée Hugues Marchalguinguenecompterendudecade [2017/02/11 20:24] – [Synthèse des passages cités] Hugues Marchal
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 ===== Présentation de l'œuvre ===== ===== Présentation de l'œuvre =====
  
-La //Décade philosophique//, qui avait déjà publié certains extraits de //L'Homme des champs// en amont de la parution, est l'une des plus prestigieuses revues des années 1800. Le long compte rendu du poème, signé par [[guinguene|Guinguené]], se déploie sur deux articles successifs[(Pierre-Louis Guinguené, "//L'Homme des champs, ou les Géorgiques françaises//, par Jacques Delille", //La Décade philosophique//, an VIII-1800 – premier "extrait"\ : 4e trimestre, n°\ 36, 30 fructidor, p.\ 526-546\ ;  deuxième "extrait"\ : an IX-1800, 1er trimestre, n°\ 1, 10 vendémiaire, p.\ 29-49.)]. Il mêle **louanges et critiques**, mais contient aussi des **indications générales sur l'impact** du texte, œuvre attendue, dont tout Paris parle.+La //Décade philosophique//, qui avait déjà publié certains extraits de //L'Homme des champs// en amont de la parution, est l'une des plus prestigieuses revues de l'après Révolution. Le long compte rendu du poème, signé par [[guinguene|Guinguené]], se déploie sur deux articles successifs[(Pierre-Louis Guinguené, "//L'Homme des champs, ou les Géorgiques françaises//, par Jacques Delille", //La Décade philosophique//, an VIII-1800 – premier "extrait"\ : 4e trimestre, n°\ 36, 30 fructidor, p.\ 526-546\ ;  deuxième "extrait"\ : an IX-1800, 1er trimestre, n°\ 1, 10 vendémiaire, p.\ 29-49.)]. 
 + 
 +Mêlant **louanges et critiques**, cette lecture attaque sévèrement nombre des choix de Delille, du plan général des chants (que Guinguené propose de réordonner) au style, mais le critique n'en conclut pas moins que les "beautés" dominent. 
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 +Au fil du texte, Guinguené offre aussi des **indications générales sur l'impact** du texte, à la fois **œuvre très attendue**, dont tout Paris parle, et **modèle probable** pour d'autres auteurs, dont il importe donc de bien souligner certains travers.
  
 Pour faciliter les renvois, nous segmentons l'article en fonction de ses principaux mouvements, et en privilégiant les éléments relatifs au chant III. Pour faciliter les renvois, nous segmentons l'article en fonction de ses principaux mouvements, et en privilégiant les éléments relatifs au chant III.
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 ===== Préambule ===== ===== Préambule =====
  
-Guinguené commence par souligner le bruit fait par la publication. Puis il insiste sur son devoir d'impartialité – allusion à la **nature idéologique d'une partie des réactions** suscitées par le poème. L'exil de Delille, perçu comme un camouflet contre la France du Consulat, a en effet conduit nombre de contemporains à le percevoir comme un partisan de la Contre-Révolution, et à louer ou éreinter le texte selon qu'eux-mêmes soutenaient ou dénonçaient le nouvel ordre politique.+Guinguené commence par souligner le bruit fait par la publication, puis il insiste sur son devoir d'**impartialité**. L'enjeu de cette explication est toutefois moins esthétique qu'idéologique. Guinguette fait allusion au **caractère politique d'une partie des réactions** suscitées par le poème. L'exil de Delille, perçu comme un camouflet contre la France du Consulat, a en effet conduit nombre de contemporains à le percevoir comme un partisan de la Contre-Révolution, et à louer ou éreinter le texte selon qu'eux-mêmes soutenaient ou dénonçaient le nouvel ordre politique.
  
-Guinguené, écrivant dans une revue publiée en France, n'pas d'autre choix que de condamner l'absence du poète. Le début de l'article sert à évacuer la question :+Même s'il se veut à l'écart de ce débat, Guinguené, écrivant dans une revue publiée en France et soumise à la censure, n'guère d'autre choix que de condamner l'absence du poète. Le début de l'article sert à évacuer la question :
  
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 Mais cette considération, toujours imposante, ne doit effrayer réellement que la prévention, l'esprit de parti, l'envie de nuire\ ; pour le critique étranger à toute autre passion qu'à celle du vrai, aussi sincère admirateur des beautés qu'ennemi des défauts, et qui sait, même en n'admirant pas tout dans un Poëme, les égards qui sont dus à la grande réputation du Poëte, cette considération n'est point un obstacle, elle est même un encouragement. Je m'expliquerai donc librement sur le Poéme de l'Homme des Champs. Mon opinion sur l'Auteur n'est pas suspecte. Je l'ai professée assez hautement et dans de faibles vers[(NDA\ : Dans des stances à François (de Neufchâteau) sur la Poëme des Vosges.)] et dans le sein de l'1nstitut national. Je le regarde comme l'un des deux plus grands talens poétiques dont la France peut encore s'honorer. Malgré son obstination à ne pas rentrer dans une patrie où l'on s'obstine toujours à le rappeler, où depuis six ans il aurait vécu non-seulement tranquille, mais considéré comme il mérite de l'être\ ; où il eût réparé des malheurs causés par deux ans de barbarie, dont enfin il n'a pas seul été victime, et qu'il n'est pas plus juste et plus raisonnable de regarder, depuis ces six ans, comme l'état permanent de la France, qu'il ne le serait de regarder un incendie ou un écroulement comme l'état permanent d'une maison qui depuis ce tems serait rebâtie et logeable\ ; malgré cette injustice de Delille, et quelque part qu'il ait fixé sa retraite, au moment où il publie des vers, c'est toujours nous que leur succès intéresse\ ; leurs beautés seront toujours une de nos richesses, une de nos propriétés nationales\ ; et quoiqu'une partie de leurs défauts tienne peut-être cette fois à son éloignement même, et ne puisse par conséquent être reprochée à l'influence du goût français, c'est encore à nous cependant qu'il importe que ces taches légères d'un si beau talent disparaissent\ ; c'est donc pour tout homme de lettres, soigneux de la gloire de sa patrie, un devoir de les observer, de les dénoncer à l'Auteur lui-même, de l'inviter, au nom de sa gloire, à les reconnaître, à les effacer[(Art. cit., //La Décade philosophique//, an VIII-1800, 4e trimestre, n°\ 36, 30 fructidor, p.\ 526-527.)]. Mais cette considération, toujours imposante, ne doit effrayer réellement que la prévention, l'esprit de parti, l'envie de nuire\ ; pour le critique étranger à toute autre passion qu'à celle du vrai, aussi sincère admirateur des beautés qu'ennemi des défauts, et qui sait, même en n'admirant pas tout dans un Poëme, les égards qui sont dus à la grande réputation du Poëte, cette considération n'est point un obstacle, elle est même un encouragement. Je m'expliquerai donc librement sur le Poéme de l'Homme des Champs. Mon opinion sur l'Auteur n'est pas suspecte. Je l'ai professée assez hautement et dans de faibles vers[(NDA\ : Dans des stances à François (de Neufchâteau) sur la Poëme des Vosges.)] et dans le sein de l'1nstitut national. Je le regarde comme l'un des deux plus grands talens poétiques dont la France peut encore s'honorer. Malgré son obstination à ne pas rentrer dans une patrie où l'on s'obstine toujours à le rappeler, où depuis six ans il aurait vécu non-seulement tranquille, mais considéré comme il mérite de l'être\ ; où il eût réparé des malheurs causés par deux ans de barbarie, dont enfin il n'a pas seul été victime, et qu'il n'est pas plus juste et plus raisonnable de regarder, depuis ces six ans, comme l'état permanent de la France, qu'il ne le serait de regarder un incendie ou un écroulement comme l'état permanent d'une maison qui depuis ce tems serait rebâtie et logeable\ ; malgré cette injustice de Delille, et quelque part qu'il ait fixé sa retraite, au moment où il publie des vers, c'est toujours nous que leur succès intéresse\ ; leurs beautés seront toujours une de nos richesses, une de nos propriétés nationales\ ; et quoiqu'une partie de leurs défauts tienne peut-être cette fois à son éloignement même, et ne puisse par conséquent être reprochée à l'influence du goût français, c'est encore à nous cependant qu'il importe que ces taches légères d'un si beau talent disparaissent\ ; c'est donc pour tout homme de lettres, soigneux de la gloire de sa patrie, un devoir de les observer, de les dénoncer à l'Auteur lui-même, de l'inviter, au nom de sa gloire, à les reconnaître, à les effacer[(Art. cit., //La Décade philosophique//, an VIII-1800, 4e trimestre, n°\ 36, 30 fructidor, p.\ 526-527.)].
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 ===== Remarques sur la préface ===== ===== Remarques sur la préface =====
  
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 \\ <tab>Mes yeux à ces pensers, se sont mouillés de pleurs. \\ <tab>Mes yeux à ces pensers, se sont mouillés de pleurs.
  
-<tab>Il est vrai que Delille nous avertit que ceci fut écrit en 1790. Mais, alors même, la France ne ressemblait point encore à Tyr, ni à Thèbes après leur destruction. Notez qu'en 1793, l'Auteur était encore en France. Tous ces vers, faits à différentes époques, mettront un jour l'esprit des lecteurs à la torture. Ils achèvent d'ôter à son poëme toute apparence d'ensemble et d'unité.+<tab>Il est vrai que Delille nous avertit que ceci fut écrit en 1790. Mais, alors même, la France ne ressemblait point encore à Tyr, ni à Thèbes après leur destruction. Notez qu'en 1793, l'Auteur était encore en France. Tous ces vers, faits à différentes époques, mettront un jour l'esprit des lecteurs à la torture. Ils achèvent d'ôter à son poëme toute apparence d'ensemble et d'unité[(Guinguené souligne de nouveau le problème politique, posé non plus par l'exil volontaire de Delille, mais par un vers qui semble faire du gouvernement consulaire une source de ruine pour le pays. La discussion sur la date renvoie à la note 16 de l'édition.)].
 \\ <tab> Etes-vous las de ces sites sauvages\ ? redescendez dans la plaine. Que les arbres et les fleurs vous étalent leurs richesses. Etudiez leurs différentes espèces, leurs formes, leurs penchans. Ceci amène fort bien l'étude de la botanique et le tableau d'une course de botanistes. L'Herbier conduit au cabinet d'Histoire naturelle. Mais l'Auteur vous conseille de vous borner d'abord aux productions des trois règnes qui se trouvent dans votre domaine. On peut demander quelle jouissance ils donnent alors à la curiosité, et si elle n'est pas plus excitée et plus satisfaite par des productions étrangères. On ne sait pas non plus pourquoi appliquant ici un hémistiche devenu parasite, il dit que les trois règnes sont étonnés d'être ensemble. Il semble que depuis le tems qu'ils se trouvent réunis dans les cabinets d'Histoire naturelle, ils doivent être revenus de leur surprise. \\ <tab> Etes-vous las de ces sites sauvages\ ? redescendez dans la plaine. Que les arbres et les fleurs vous étalent leurs richesses. Etudiez leurs différentes espèces, leurs formes, leurs penchans. Ceci amène fort bien l'étude de la botanique et le tableau d'une course de botanistes. L'Herbier conduit au cabinet d'Histoire naturelle. Mais l'Auteur vous conseille de vous borner d'abord aux productions des trois règnes qui se trouvent dans votre domaine. On peut demander quelle jouissance ils donnent alors à la curiosité, et si elle n'est pas plus excitée et plus satisfaite par des productions étrangères. On ne sait pas non plus pourquoi appliquant ici un hémistiche devenu parasite, il dit que les trois règnes sont étonnés d'être ensemble. Il semble que depuis le tems qu'ils se trouvent réunis dans les cabinets d'Histoire naturelle, ils doivent être revenus de leur surprise.
 \\ <tab>Ce morceau, l'un des plus longs du Poème, est aussi l'un des plus travaillés, l'un de ceux qui présentait le plus de difficultés, et où ces difficultés sont vaincues de la manière la plus heureuse et la plus brillante. C'est bien dommage qu'en parlant d'animaux empaillés, le Poète se soit souvenu de sa chate Raton, et qu'il se soit donné la peine de terminer un chant rempli de si grands objets et de si beaux vers, par la description de //la queue de son chat// et des bonds qu'il fesait sur sa table. Au reste, on ne sait pas bien si Raton est morte ou vivante. Les douze premiers vers de ce petit épisode (petit assurément dans tous les sens) en parlent comme si elle était morte\ ; mais au treizième, je voudrais te voir, lui dit-il, \\ <tab>Ce morceau, l'un des plus longs du Poème, est aussi l'un des plus travaillés, l'un de ceux qui présentait le plus de difficultés, et où ces difficultés sont vaincues de la manière la plus heureuse et la plus brillante. C'est bien dommage qu'en parlant d'animaux empaillés, le Poète se soit souvenu de sa chate Raton, et qu'il se soit donné la peine de terminer un chant rempli de si grands objets et de si beaux vers, par la description de //la queue de son chat// et des bonds qu'il fesait sur sa table. Au reste, on ne sait pas bien si Raton est morte ou vivante. Les douze premiers vers de ce petit épisode (petit assurément dans tous les sens) en parlent comme si elle était morte\ ; mais au treizième, je voudrais te voir, lui dit-il,
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 +===== Synthèse des passages cités =====
  
----- +  * Vers concernés : [[chant3#v005|chant 3, vers 5]], [[chant3#v046|46-50]], [[chant3#v087|87-90]], [[chant3#v122|122-123]], [[chant3#v149|149-150]], [[chant3#v176|176]], [[chant3#v183|183-184]], [[chant3#v209|209-210]], [[chant3#v213|213-214]], [[chant3#v257|257]], [[chant3#v271|271-272]], [[chant3#v279|279-280]], [[chant3#v86|286]], [[chant3#v300|300]], [[chant3#v322|322-323]], [[chant3#v342|342]], [[chant3#v376|376-378]], [[chant3#v453|453-454]], [[chant3#v503|503-504]], [[chant3#v563|563-564]], [[chant3#v572|572]] et [[chant3#v645|645-646]]. 
-\\ Vers concernés : [[chant3#v005|chant 3, vers 5]], [[chant3#v046|46-50]], [[chant3#v087|87-90]], [[chant3#v122|122-123]], [[chant3#v149|149-150]], [[chant3#v176|176]], [[chant3#v183|183-184]], [[chant3#v209|209-210]], [[chant3#v213|213-214]], [[chant3#v257|257]], [[chant3#v271|271-272]], [[chant3#v279|279-280]], [[chant3#v86|286]], [[chant3#v300|300]], [[chant3#v322|322-323]], [[chant3#v342|342]], [[chant3#v376|376-378]], [[chant3#v453|453-454]], [[chant3#v503|503-504]], [[chant3#v563|563-564]], [[chant3#v572|572]][[chant3#v645|645-646]]. +  Notes concernées : [[chant3#v176|chant 3, notes 8]], [[chant3#v377|16]] et [[chant3#v454|22]].
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-\\ Notes concernées : [[chant3#v176|chant 3, notes 8]] et [[chant3#v454|22]].+
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