gravure1800chant3

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gravure1800chant3 [2017/05/23 23:30] Timothée Léchotgravure1800chant3 [2017/05/24 14:09] – [Les représentations de Rousseau herborisant] Timothée Léchot
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 ====== Christophe Guérin, frontispice du chant 3 dans l'édition de 1800 (in-12, Strasbourg, Levrault frères) ====== ====== Christophe Guérin, frontispice du chant 3 dans l'édition de 1800 (in-12, Strasbourg, Levrault frères) ======
  
-===== Présentation de l'illustration =====+===== Présentation de l’œuvre =====
  
 {{:lapervanche.jpg?325 |La pervanche !..........}} {{:lapervanche.jpg?325 |La pervanche !..........}}
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 Po Rouss Buff 4/19 Po Rouss Buff 4/19
  
-Vers concerné\ : [[chant3#v440|chant 3, vers 440]].+Vers concerné\ : [[chant3#v441|chant 3, vers 441]].
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-Premiers éditeurs de //L'Homme des champs// en 1800, les trois frères Levrault de Strasbourg vendent plusieurs éditions illustrées du poème. Parmi elles, l'édition in-12 **[vérifier]** contient quatre estampes\ : un frontispice par chant. Comme c'est généralement le cas dans les programmes iconographiques des éditions de Delille, les illustrations ne portent pas sur des passages didactiques, mais sur des fragments du poème plus propres à éveiller la sensibilité du lecteur. L'image attachée au chant 1 concerne l'épisode touchant du cerf qui fuit les chasseurs. Celle du chant 2 associe la beauté de la poésie à la beauté de la nature, en représentant Virgile devant la campagne de Mantoue. Celle du chant 4, qui montre des baigneuses épiées par un faune, est quant à elle empreinte de sensualité.+Premiers éditeurs de //L'Homme des champs// en 1800, les trois frères Levrault de Strasbourg vendent plusieurs éditions illustrées du poème. Parmi elles, l'édition in-12 **[vérifier]** contient quatre estampes\ : un frontispice par chant. Comme c'est généralement le cas dans les programmes iconographiques des éditions de Delille, les illustrations de [[guerin|Christophe Guérin]] ne portent pas sur des passages didactiques, mais sur des fragments du poème plus propres à éveiller la sensibilité du lecteur. L'image attachée au chant 1 concerne l'épisode touchant du cerf qui fuit les chasseurs. Celle du chant 2 associe la beauté de la poésie à la beauté de la nature, en représentant Virgile devant la campagne de Mantoue. Celle du chant 4, qui montre des baigneuses épiées par un faune, est quant à elle empreinte de sensualité.
  
 Dans cette série, l'illustration du chant 3 occupe une place particulière. D'abord, à la différence des autres frontispices qui citent plusieurs vers de //L'Homme des champs//, sa légende ne contient qu'un mot\ : "La pervanche !.........." [//sic//]. Pour le lecteur de 1800, cette simple exclamation suffit probablement à identifier Jean-Jacques Rousseau dont l'épisode de la pervenche compte parmi les plus célèbres pages des //Confessions// (voir ci-après). Comme l'image du chant 2, qui renvoie aux //Géorgiques// de Virgile, **l'image du chant 3 souligne à son tour l'intertextualité du poème**. Ensuite, cette illustration concerne exceptionnellement une activité scientifique\ : l'herborisation. Se promenant sur un chemin de montagne en compagnie d'un autre homme, le vieux Rousseau se penche avec transport sur un parterre de pervenches qu'il vient d'identifier. Or, lecteur attentif de Delille qui ne manque jamais d'associer la pratique des sciences aux plaisirs que l'homme en retire, Guérin offre **une représentation à la fois sentimentale et sociale de l'activité botanique**. Dans cette série, l'illustration du chant 3 occupe une place particulière. D'abord, à la différence des autres frontispices qui citent plusieurs vers de //L'Homme des champs//, sa légende ne contient qu'un mot\ : "La pervanche !.........." [//sic//]. Pour le lecteur de 1800, cette simple exclamation suffit probablement à identifier Jean-Jacques Rousseau dont l'épisode de la pervenche compte parmi les plus célèbres pages des //Confessions// (voir ci-après). Comme l'image du chant 2, qui renvoie aux //Géorgiques// de Virgile, **l'image du chant 3 souligne à son tour l'intertextualité du poème**. Ensuite, cette illustration concerne exceptionnellement une activité scientifique\ : l'herborisation. Se promenant sur un chemin de montagne en compagnie d'un autre homme, le vieux Rousseau se penche avec transport sur un parterre de pervenches qu'il vient d'identifier. Or, lecteur attentif de Delille qui ne manque jamais d'associer la pratique des sciences aux plaisirs que l'homme en retire, Guérin offre **une représentation à la fois sentimentale et sociale de l'activité botanique**.
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 ===== Un phénomène de réception double ===== ===== Un phénomène de réception double =====
  
-Cependant, l'image de Guérin **enrichit l'interprétation du poème** en introduisant des éléments absents du texte. Delille ne mentionne en effet ni le cadre montagneux, ni le second personnage de la scène. Pour comprendre la gravure, il faut la confronter à l’œuvre de Rousseau et à la tradition iconographique liée à l’œuvre de celui-ci, ainsi qu'à sa personne.+Cependant, l'image de Guérin **interprète le poème en introduisant des éléments absents du texte**. Delille ne mentionne en effet ni le cadre montagneux, ni le second personnage de la scène. Pour comprendre la gravure, il faut la confronter à l’œuvre de Rousseau et aux représentations iconographiques de celle-ci, ainsi qu'aux portraits de l'auteur.
  
 L'épisode de la pervenche se trouve au sixième livre des //Confessions//. Rousseau le raconte en deux temps. Il évoque d'abord d'anciennes promenades avec Madame de Warens, celle qu'il appelle affectueusement "maman"\ : L'épisode de la pervenche se trouve au sixième livre des //Confessions//. Rousseau le raconte en deux temps. Il évoque d'abord d'anciennes promenades avec Madame de Warens, celle qu'il appelle affectueusement "maman"\ :
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 ===== Les représentations de Rousseau herborisant ===== ===== Les représentations de Rousseau herborisant =====
  
-Indépendamment du passage du chant 3 auquel le frontispice de Guérin renvoie, Rousseau est tout de suite reconnaissable par quelques attributs caractéristiques. La gravure s'inscrit en effet dans **une tradition iconographique qui remonte à l'année 1778**, date de la mort du philosophe à Ermenonville. Cette année-là, le peintre Georges-Frédéric Mayer (1735-1779) aurait réalisé le dernier portrait de Rousseau fait d'après nature, un portrait en pied où le modèle, représenté de profil, tient un bouquet de fleur d'une main, un bâton de l'autre, et un tricorne sous le bras. Cette peinture n'est connue qu'à travers les nombreuses gravures auxquelles elle a donné lieu dans les années suivantes[(Voir Rossella Baldi, "Georges-Frédéric Mayer, ‘Rousseau herborisant’", in //ibid.//, p.\ 193-196\ ; et Rossella Baldi, "‘Laissons tous ces étranges portraits, et revenons à l'original.’ Sentimentaliser l'iconographie de Rousseau", //Revue historique neuchâteloises//, 149/^e^/\ année, n/^o^/\ 3-4, p.\ 241-271.)]. Guérin reproduit la pose et les autres éléments de cette image canonique (bâton, tricorne, habits), à l'exception du bouquet de fleur que Rousseau, ici, n'a pas encore cueilli.+Indépendamment du passage du chant 3 auquel le frontispice de Guérin renvoie, Rousseau est tout de suite reconnaissable par quelques attributs caractéristiques. La gravure s'inscrit en effet dans **une tradition iconographique qui remonte à l'année 1778**, date de la mort du philosophe à Ermenonville. Cette année-là, le peintre Georges-Frédéric Mayer (1735-1779) aurait réalisé le dernier portrait de Rousseau fait d'après nature, un portrait en pied où le modèle, représenté de profil, tient un bouquet de fleur d'une main, un bâton de l'autre, et un tricorne sous le bras. La peinture n'est connue qu'à travers les nombreuses gravures auxquelles elle a donné lieu dans les années suivantes[(Voir Rossella Baldi, "Georges-Frédéric Mayer, ‘Rousseau herborisant’", in //ibid.//, p.\ 193-196\ ; et Rossella Baldi, "‘Laissons tous ces étranges portraits, et revenons à l'original.’ Sentimentaliser l'iconographie de Rousseau", //Revue historique neuchâteloises//, 149/^e^/\ année, n/^o^/\ 3-4, p.\ 241-271.)]. Guérin reproduit la pose et les autres éléments de cette image canonique (bâton, tricorne, habits), à l'exception du bouquet de fleur que Rousseau, ici, n'a pas encore cueilli.
  
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-Quoique Rousseau soit ici transformé en une figure allégorique, celle d'Amour, la fusion d'une activité scientifique avec une scène sentimentale annonce l'illustration de Guérin. D'autres graveurs du XIX/^e^/ siècle représenteront l'épisode de la pervenche, pour illustrer cette fois //Les Confessions//, soit en s'inspirant manifestement de Guérin, soit en réinterprétant le motif dans une perspective romantique\ :+Quoique Rousseau soit ici transformé en une figure allégorique, celle d'Amour, la fusion d'une activité scientifique avec une scène sentimentale annonce l'illustration de Guérin. D'autres graveurs du XIX/^e^/ siècle représenteront l'épisode de la pervenche, pour illustrer cette fois //Les Confessions//, soit en copiant manifestement de Guérin, soit en réinterprétant le motif dans une perspective romantique\ :
  
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 +Ainsi, si le frontispice du chant 3 met en image //Les Confessions// plutôt que //L'Homme des champs//, il inspirera en retour les illustrateurs de Rousseau après 1800.
 ===== Lien externe ===== ===== Lien externe =====