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gravure1800chant3 [2017/05/23 14:16] – [Un phénomène de réception double] Timothée Léchot | gravure1800chant3 [2017/05/23 15:57] – Timothée Léchot |
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Cependant, l'image de Guérin **enrichit l'interprétation du poème** en ajoutant des éléments absents du texte. Delille ne mentionne en effet ni le cadre montagneux, ni le second personnage de la scène. Pour comprendre la gravure, il faut la confronter à l’œuvre de Rousseau et à la tradition iconographique liée à l’œuvre de celui-ci, ainsi qu'à sa personne. | Cependant, l'image de Guérin **enrichit l'interprétation du poème** en ajoutant des éléments absents du texte. Delille ne mentionne en effet ni le cadre montagneux, ni le second personnage de la scène. Pour comprendre la gravure, il faut la confronter à l’œuvre de Rousseau et à la tradition iconographique liée à l’œuvre de celui-ci, ainsi qu'à sa personne. |
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| L'épisode de la pervenche se trouve au sixième livre des //Confessions//. Rousseau le raconte en deux temps. Il évoque d'abord d'anciennes promenades avec Madame de Warens, celle qu'il appelle affectueusement "maman"\ : |
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Le prémier jour que nous allames coucher aux Charmettes, maman étoit en chaise à porteurs, et je la suivois à pied. Le chemin monte, elle étoit assez pesante, et craignant de trop fatiguer ses porteurs, elle voulut descendre à peu près à moitié chemin pour faire le reste à pied. En marchant elle vit quelque chose de bleu dans la haye et me dit\ : voila de la pervenche encore en fleur. Je n'avois jamais vû de la pervenche, je ne me baissai pas pour l'examiner, et j'ai la vue trop courte pour distinguer à terre les plantes de ma hauteur. Je jettai seulement en passant un coup d’œil sur celle-là, et près de trente ans se sont passés sans que j'aye revû de la pervenche, ou que j'y aye fait attention[(Jean-Jacques Rousseau, //Les Confessions. Autres textes autobiographiques//, Bernard Gagnebin, Robert Osmont, Marcel Raymond (éd.), Paris, Gallimard, "Bibliothèque de la Pléiade", 1959, p. 226.)]. | Le prémier jour que nous allames coucher aux Charmettes, maman étoit en chaise à porteurs, et je la suivois à pied. Le chemin monte, elle étoit assez pesante, et craignant de trop fatiguer ses porteurs, elle voulut descendre à peu près à moitié chemin pour faire le reste à pied. En marchant elle vit quelque chose de bleu dans la haye et me dit\ : voila de la pervenche encore en fleur. Je n'avois jamais vû de la pervenche, je ne me baissai pas pour l'examiner, et j'ai la vue trop courte pour distinguer à terre les plantes de ma hauteur. Je jettai seulement en passant un coup d’œil sur celle-là, et près de trente ans se sont passés sans que j'aye revû de la pervenche, ou que j'y aye fait attention[(Jean-Jacques Rousseau, //Les Confessions. Autres textes autobiographiques//, Bernard Gagnebin, Robert Osmont, Marcel Raymond (éd.), Paris, Gallimard, "Bibliothèque de la Pléiade", 1959, p. 226.)]. |
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| Une trentaine d'années plus tard, Rousseau trouve de la pervenche lors d'une promenade en Suisse, avec son ami Pierre-Alexandre DuPeyrou (1729-1794). C'est le passage mentionné par Delille et illustré par Guérin\ : |
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| Madeleine de Proust avant l'heure, la pervenche de Rousseau a probablement contribué au succès du motif de la fleur bleue dans la littérature occidentale[(Voir Claire Jaquier, "La pervenche\ : une fleur bleue", in Claire Jaquier, Timothée Léchot (dir.), //Rousseau botaniste. "Je vais devenir plante moi-même." Recueil d'articles et catalogue d'exposition//, Fleurier, Pontarlier, Éditions du Belvédère, 2012, p. 97-112.)]. L'image de Guérin se situe donc à l'intersection de deux réceptions d’œuvres littéraires\ : //Les Confessions// et //L'Homme des champs//. Grâce à ce croisement, on sait que le second personnage de la gravure figure le riche négociant neuchâtelois DuPeyrou et que le paysage de l'arrière-plan est celui de la région de Cressier, sur le versant suisse du Jura. |
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| ===== Les représentations de Rousseau herborisant ===== |
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| Guérin n'est pas le premier artiste à représenter l'épisode de la pervenche et il n'est pas le seul à le dissocier du texte des //Confessions//. En 1789, la découverte des pervenches est associée à un autre texte de Rousseau, les //Lettres élémentaires sur la botanique//, qui arbore le frontispice suivant\ : |
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| {{:lettreselementaires.jpg?300 |Lettres élémentaires sur la botanique}} |
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| "Ah, voila de la pervenche" \\ |
| Page de titre de Jean-Jacques Rousseau, //Lettres élémentaires sur la botanique//, //s.\ l.//, 1789. \\ |
| Gravé par Antoine Cosme Giraud (1760-1840\ ?) d'après un dessin de Clément-Pierre Marillier (1740-1808)** \\ |
| Eau-forte \\ |
| Neuchâtel, Bibliothèque publique et universitaire \\ |
| 1R 6260/1 \\ |
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| Quoique Rousseau soit ici transformé en une figure allégorique, celle de l'Amour, la fusion d'une activité scientifique et d'une scène sentimentale annonce l'illustration de Guérin. D'autres graveurs du XIX/^e^/ siècle représenteront l'épisode de la pervenche, pour illustrer cette fois //Les Confessions//, soit en s'inspirant manifestement de Guérin, soit soit en réinterprétant le motif dans une perspective romantique\ : |
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| {{:enmontant.jpg?229 |}} |
| {{:lespervenches.jpg?300 |}} |
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| ===== Liens externes ===== |
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| Base iconographique de la Bibliothèque publique et universitaire de Neuchâtel (portraits)\ : [[http://bpun.unine.ch/icono_neuch/moteur_portraits.htm|lien]]. |
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Auteur de la page --- //[[timothee.lechot@gmail.com|Timothée Léchot]] 2017/05/22 17:21// | Auteur de la page --- //[[timothee.lechot@gmail.com|Timothée Léchot]] 2017/05/22 17:21// |