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dureaudelamallepyrenees [2020/07/22 19:05] – créée Hugues Marchaldureaudelamallepyrenees [2023/03/10 14:20] – Espaces insécables : remplacer la syntaxe "\ :" qui ne fonctionne plus par "(nbsp)". Timothée Léchot
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 ===== Un modèle poétique ===== ===== Un modèle poétique =====
  
-Un "Discours préliminaire" éclaire la genèse de son poème. C'est d'abord en peintre soucieux de produire, "d'après nature, des études de paysages" que Dureau de La Malle s'est rendu, durant l'été 1807 dans les Pyrénées et a "parcouru une grande partie de leur chaîne", après avoir déjà, plus tôt, visité dans le même dessein les Vosges et le Jura. Mais ce dernier voyage l'a convaincu que ce qui valait pour son pinceau vaut aussi pour sa plume, et que la poésie pouvait à son tour bénéficier de cette contemplation directe pour, comme les arts visuels, y puiser à la fois "plus de vérité", de "mouvement" et de "vie[(//Id//., p. !!v-vi!!.)]". En d'autres termes, il a tenté de produire un "**poëme d'après nature**[(//Id//, p. !!x!!.)]" et il entend réfuter par ce biais le reproche d'artifice ou de fadeur adressé, en général, à la poésie descriptive.+Un "Discours préliminaire" éclaire la genèse de son poème. C'est d'abord en peintre ou dessinateur[(Des carnets manuscrits de voyage de Dureau de La Malle, incluant des dessins, sont passés en salles des ventes.)] soucieux de produire, "d'après nature, des études de paysages" que Dureau de La Malle s'est rendu, durant l'été 1807 dans les Pyrénées et a "parcouru une grande partie de leur chaîne", après avoir déjà, plus tôt, visité dans le même but les Vosges et le Jura. Mais ce dernier voyage l'a convaincu que ce qui valait pour son pinceau vaut aussi pour sa plume, et que la poésie pouvait à son tour bénéficier de cette contemplation directe pour, comme les arts visuels, y puiser à la fois "plus de vérité", de "mouvement" et de "vie[(//Id//., p. !!v-vi!!.)]". En d'autres termes, il a tenté de produire un "**poëme d'après nature**[(//Id//, p. !!x!!.)]" et il entend réfuter par ce biais le reproche d'artifice ou de fadeur adressé, en général, à la poésie descriptive.
  
 Il mène cette **défense du genre** en convoquant l'exemple de Delille, objet d'un très vif éloge\ : Il mène cette **défense du genre** en convoquant l'exemple de Delille, objet d'un très vif éloge\ :
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 l'admiration que commandent les ouvrages du génie[(//Id//., p. !!xiii-xv!!.)].</WRAP> l'admiration que commandent les ouvrages du génie[(//Id//., p. !!xiii-xv!!.)].</WRAP>
  
-Enfin, Dureau de La Malle explique que le **récit de voyage** qui précède ses vers a pour but de "familiariser [s]es lecteurs avec le pays extraordinaire d'où [il a] tiré les tableaux de [s]on poëme[(//Id//., p. !!xv!!.)]", mais il livre alors des précisions qui montrent la nature mixte de ce segment du volume, voire de sa démarche de voyageur. Véritable course scientifique, le périple  mené sur les traces de l'écrivain-géographe Ramondafin de "vérifi[er] l'exactitude de ses observations sur la structure générale de cette chaîne", mais aussi celles du botaniste Candolle sur les mêmes lieux, a par ailleurs eu pour but de les compléter, comme l'indique la formule: "je me suis avancé au sommet d'une montagne important que n'avait pas encore été visitée, et […] j'ai parcouru quelques vallées dont le bassin avait échappé à la recherche des différents observateurs[(//Id//., p. !!xvi!!.)]". On a donc affaire à un récit à la fois **autobiographique, scientifique** (puisque Dureau de La Malle y cite les naturalistes qui l'ont précédé tout en apportant ses propres informations) et qui vaut **introduction au poème**.+Enfin, Dureau de La Malle explique que le **récit de voyage** qui précède ses vers a pour dessein de "familiariser [s]es lecteurs avec le pays extraordinaire d'où [il a] tiré les tableaux de [s]on poëme[(//Id//., p. !!xv!!.)]", mais il livre alors des précisions qui montrent la nature mixte de ce segment du volume, voire de sa démarche de voyageur. Véritable course scientifique, le périple  mené sur les traces de l'écrivain-géographe Ramond afin de "vérifi[er] l'exactitude de ses observations sur la structure générale de cette chaîne", mais aussi celles du botaniste Candolle sur les mêmes lieux, a par ailleurs eu pour but de les compléter, comme l'indique la formule(nbsp): "je me suis avancé au sommet d'une montagne important que n'avait pas encore été visitée, et […] j'ai parcouru quelques vallées dont le bassin avait échappé à la recherche des différents observateurs[(//Id//., p. !!xvi!!.)]". On a donc affaire à un récit à la fois **autobiographique, scientifique** (puisque Dureau de La Malle y cite les naturalistes qui l'ont précédé tout en apportant ses propres informations) et qui vaut **introduction au poème**.
  
 ===== Un proche ===== ===== Un proche =====
  
-C'est dans ce "Voyage dans les Pyrénées", composé en prose, que le jeune écrivain inclut un **témoignage d'affection personnelle** pour Delille, en se plaçant dans les conditions mêmes que ce dernier décrit dans le chant 3 de //L'Homme des champs//. Engagé dans une course naturaliste, Dureau de La Malle s'y livre à un repas qui mime celui des botanistes peints par Delille, de sorte que **le souvenir du texte vient s'insérer, sous forme de citation, dans un espace-temps homologue à celui qu'il décrit**:+C'est dans ce "Voyage dans les Pyrénées", composé en prose, que le jeune écrivain inclut un **témoignage d'affection personnelle** pour Delille, en se plaçant dans les conditions mêmes que ce dernier décrit dans le chant 3 de //L'Homme des champs//. Engagé dans une course naturaliste, Dureau de La Malle s'y livre à un repas qui mime celui des botanistes peints par Delille, de sorte que **le souvenir du texte vient s'insérer, sous forme de citation, dans un espace-temps homologue à celui qu'il décrit**(nbsp):
  
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 C'est au pied du glacier de Vignemale seulement que nous nous permîmes de nous asseoir pour faire un léger déjeuner qui pût  C'est au pied du glacier de Vignemale seulement que nous nous permîmes de nous asseoir pour faire un léger déjeuner qui pût 
 nous donner les forces nécessaires pour achever l'entreprise pénible que nous avions commencée. J'observerai, en passant, que sur les cartes de l'Académie et même sur celle que M. Ramond a jointe à son Voyage au Mont-Perdu, Vignemale est placée beaucoup trop près du lac de Gaube\ ; du moins je puis assurer que nous avons mis autant de temps, la montre a la main, pour nous rendre du lac au pied du glacier, que de Cauterêts au lac, et cependant le chemin n'en est ni plus montueux ni plus difficile.  nous donner les forces nécessaires pour achever l'entreprise pénible que nous avions commencée. J'observerai, en passant, que sur les cartes de l'Académie et même sur celle que M. Ramond a jointe à son Voyage au Mont-Perdu, Vignemale est placée beaucoup trop près du lac de Gaube\ ; du moins je puis assurer que nous avons mis autant de temps, la montre a la main, pour nous rendre du lac au pied du glacier, que de Cauterêts au lac, et cependant le chemin n'en est ni plus montueux ni plus difficile. 
-\\ Nous nous étions assis chacun sur une roche, au pied du ruisseau qui sort deux cents toises plus haut du glacier de Vignemale\ ; et en retirant de son eau si fraîche le vin de Bordeaux que nous y avions plongé au commencement du repas, je me rappelai ce charmant vers d'un de nos plus grands poètes, qui a toujours honoré mes travaux de ses conseils, et ma personne d'une amitié que je regarde comme un des plus précieux héritages que mon respectable père m'ait laissé en mourant. Ce joli vers s'offrit donc à ma mémoire, et je ne pus m'empêcher de m'écrier à mon compagnon de voyage: Vous conviendrez que c'est le cas de dire ici+\\ Nous nous étions assis chacun sur une roche, au pied du ruisseau qui sort deux cents toises plus haut du glacier de Vignemale\ ; et en retirant de son eau si fraîche le vin de Bordeaux que nous y avions plongé au commencement du repas, je me rappelai ce charmant vers d'un de nos plus grands poètes, qui a toujours honoré mes travaux de ses conseils, et ma personne d'une amitié que je regarde comme un des plus précieux héritages que mon respectable père m'ait laissé en mourant. Ce joli vers s'offrit donc à ma mémoire, et je ne pus m'empêcher de m'écrier à mon compagnon de voyage(nbsp): Vous conviendrez que c'est le cas de dire ici(nbsp)
  
-\\ Bacchus y rafraîchit dans l'urne des Naïades. +Bacchus y rafraîchit dans l'urne des Naïades. 
 \\ <tab><tab>(//Homme des Champs//, chant 3[(//Id//., p. 50-52.)].)  \\ <tab><tab>(//Homme des Champs//, chant 3[(//Id//., p. 50-52.)].) 
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 Légèrement modifié, d'une façon qui tend à accréditer que la citation intervint bien de mémoire (Delille écrit "Bacchus se rafraîchit"), le vers est ainsi comme validé, //in situ//, c'est-à-dire hors du texte d'origine et dans l'expérience directe de la nature dont ce dernier se veut la transposition. **La justesse de la formule de Delille est donc garantie par sa pleine adéquation à cette expérience directe du monde**, sur un mode comparable à celui que l'on trouve, par exemple, en 1804, dans les "[[nachrichtenrusslandunter|Nachrichten über Finnland]]", mais selon un protocole qui, chez Dureau de La Malle, rejoint aussi celui employé pour valider ou infirmer les énoncés savants. Légèrement modifié, d'une façon qui tend à accréditer que la citation intervint bien de mémoire (Delille écrit "Bacchus se rafraîchit"), le vers est ainsi comme validé, //in situ//, c'est-à-dire hors du texte d'origine et dans l'expérience directe de la nature dont ce dernier se veut la transposition. **La justesse de la formule de Delille est donc garantie par sa pleine adéquation à cette expérience directe du monde**, sur un mode comparable à celui que l'on trouve, par exemple, en 1804, dans les "[[nachrichtenrusslandunter|Nachrichten über Finnland]]", mais selon un protocole qui, chez Dureau de La Malle, rejoint aussi celui employé pour valider ou infirmer les énoncés savants.
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 +===== Des échos incertains =====
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 +Après ce double hommage qui ancre le poème dans la lignée de Delille, il est loisible de chercher des **échos** entre l'œuvre de ce dernier et les vers que présente ensuite son émule. L'un au moins vaut évident clin-d'œil(nbsp): sans que l'on puisse parler de citation ou de plagiat, Dureau de La Malle débute son poème par un alexandrin – "Salut, rocs menacans\ ! salut, sommets déserts[(//Id//., p. 78.)]\ !" – où il est difficile de ne pas voir, dans l'apostrophe comme dans la rime choisie, un jeu avec l'un des vers les plus célèbres du chant 3 de //L'Homme des champs//, "Salut, pompeux Jura, terrible Montanverts" (v. 342)…
  
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