duboisruricolae

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duboisruricolae [2019/06/02 19:48] – créée Hugues Marchalduboisruricolae [2023/03/10 14:52] – Espaces insécables : pour les autres segments ".\ " (notamment les volumes). Timothée Léchot
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 ====== Dubois (trad.), Ruricolae, seu ad Gallos Georgicon libri quatuor ====== ====== Dubois (trad.), Ruricolae, seu ad Gallos Georgicon libri quatuor ======
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 ===== Présentation de l'œuvre ===== ===== Présentation de l'œuvre =====
  
-La pratique des vers latins reste extrêmement active au XIX/^e^/ siècle: elle forme un exercice familier, voire un champ de création en soi pour des poètes comme Baudelaire[(Voir Romain Jalabert, //La Poésie et le latin en France au XIXe siècle//, Paris, Classiques Garnier, 2017.)], et elle entretient des liens étroits avec la poésie scientifique[(Voir Philippe Chométy, "Les derniers Romains", in Hugues Marchal (dir.), //Muses et ptérodactyles : la poésie de la science de Chénier à Rimbaud//, Paris, Seuil, 2013, p.49-53.)]. Néanmoins, les exemples de traduction latine d'un ouvrage poétique français sont rares, en dehors du cadre scolaire, et dans ce contexte, **la traduction de //L'Homme des champs// en vers latins**, procurée par Dubois[(//Jacobi Delille Ruricolae, seu ad Gallos Georgicon libri quatuor, quos e gallico poemate in latinum carmen transtulit P.-J.-B.-P. Dubois//, Paris, Giguet et Michaud, Nicolle et Veuve Nyon, 1808.)], en 1808, chez certains des éditeurs attitrés du poète, est significative du statut de //Virgile français// accordé à Delille.+La pratique des vers latins reste très active au XIX/^e^/ siècle(nbsp): elle forme un exercice familier, voire un champ de création en soi pour des poètes comme Baudelaire[(Voir Romain Jalabert, //La Poésie et le latin en France au XIXe siècle//, Paris, Classiques Garnier, 2017.)], et elle entretient des liens étroits avec la poésie scientifique[(Voir Philippe Chométy, "Les derniers Romains", in Hugues Marchal (dir.), //Muses et ptérodactyles : la poésie de la science de Chénier à Rimbaud//, Paris, Seuil, 2013, p.(nbsp)49-53.)]. Néanmoins, les exemples de traduction latine d'un ouvrage poétique français sont rares, en dehors du cadre scolaire, et dans ce contexte, **la traduction de //L'Homme des champs// en vers latins**, procurée par [[duboispjbpascal|P.-J.-B.-P. Dubois]][(//Jacobi Delille Ruricolae, seu ad Gallos Georgicon libri quatuor, quos e gallico poemate in latinum carmen transtulit P.-J.-B.-P. Dubois//, Paris, Giguet et Michaud, Nicolle et Veuve Nyon, 1808.)], en 1808, souligne le statut de //Virgile français// accordé à Delille.
  
-Dubois, qui opte sans surprise pour l'hexamètre, suit la version de 1800 et ne traduit ni les notes, ni la préface, mais il ajoute **un paratexte de son cru**. Le livre est **bilingue**: l'original français est reproduit en page de gauche, la version latine, à droite. Le fait que l'ouvrage paraisse chez un consortium de libraires liés à Delille permet en outre l'inclusion de gravures similaires à celles de l'édition française.+Dubois, qui opte sans surprise pour l'hexamètre, suit la version de 1800 et ne traduit ni les notes, ni la préface, mais il ajoute **un paratexte de son cru**. Le livre est **bilingue**(nbsp): l'original français est reproduit en page de gauche, la version latine, à droite. Le fait que l'ouvrage paraisse chez un consortium de libraires liés à Delille permet en outre l'inclusion de gravures similaires à celles de l'édition française.
  
 Le titre de //Ruricolae, seu Ad Gallos Georgicon//, peut s'entendre comme "Campagnardes, ou Géorgiques adressées aux Français". Le titre de //Ruricolae, seu Ad Gallos Georgicon//, peut s'entendre comme "Campagnardes, ou Géorgiques adressées aux Français".
  
-===== Une dédicace en vers =====+===== Une dédicace à Delille =====
  
-Le volume s'ouvre sur cet hommage de Dubois à Delille\ :+Le volume s'ouvre sur cet hommage de Dubois(nbsp):
  
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 O quem patronum pietas et rura salutant,  O quem patronum pietas et rura salutant, 
-\\ <tab>Quem vocat Aonidum nunc chorus ipse patrem!  +\\ <tab>Quem vocat Aonidum nunc chorus ipse patrem(nbsp)!  
-\\ Virgilii dudùm qui diceris unicus hæres+\\ Virgilii dudùm qui diceris unicus hæres(nbsp)
 \\ <tab>Cujus et in scriptis sic viget ipse Maro,  \\ <tab>Cujus et in scriptis sic viget ipse Maro, 
 \\ Ut, quasi jure novo, ad postremos ille nepotes  \\ Ut, quasi jure novo, ad postremos ille nepotes 
-\\ <tab>Gaudeat ingenio tutior ire tuo+\\ <tab>Gaudeat ingenio tutior ire tuo(nbsp)
-\\ Hæc tibi habere velis primordia débita Musæ;  +\\ Hæc tibi habere velis primordia débita Musæ(nbsp);  
-\\ <tab>En tua laus quidquid fors ea laudis habet:  +\\ <tab>En tua laus quidquid fors ea laudis habet(nbsp):  
-\\ Tu mihi Phœbus cras; sola admiratio versus +\\ Tu mihi Phœbus cras(nbsp); sola admiratio versus 
 \\ <tab>Protulit, æquus amor quos tibi ritè dicat.  \\ <tab>Protulit, æquus amor quos tibi ritè dicat. 
-\\ <tab><tab>Gecinit et obtulit. +\\ <tab><tab>Cecinit et obtulit. 
  
 <tab><tab><tab><tab>P. J-B. P. DUBOIS.  <tab><tab><tab><tab>P. J-B. P. DUBOIS. 
  
-Parisiis tertio id. Apr. A.D. 1807.+Parisiis tertio id. Apr. A.D. 1807[(//Id//, p. !!v-vi!!.)].
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-Cette dédicace peut se traduire par : +Cette dédicace peut se traduire par : "Éminenttrès savant Jacques Delille, célèbre entre tous les poètes français, ô toi que la pitié et les champs saluent comme leur patron, que le chœur même des muses nomme maintenant son père ! Toi qu'on dit à présent l'unique héritier de Virgile(nbsp); toi dont les écrits lui rendent une telle vigueur qu'il se réjouitcomme un droit nouveau, d'atteindre plus sûrement, par ton génie, les plus lointaines générations. [Tu as été pour moi Apollon(nbsp); l'admiration seule a produit, chanté et imprimé ces vers, qu'un amour comparable, comme il se doit, t'a dédiés. P. J-B. P. DUBOIS. Paris, 3 avril 1807."
- +
-"À l'éminentdoctissime Jacques Delille, célèbre entre tous les poètes français, +
-\\ Ô toi que la pitié et les champs saluent comme leur patron, que le chœur des muses nomme maintenant son propre père ! Toi qui depuis peu est dit l'unique héritier de Virgile; en toi et en tes écrits il revit ce Maro<color #ed1c24>[compléter]</color>" +
 ===== Préface du traducteur ===== ===== Préface du traducteur =====
  
-Dubois insère ensuite sa propre préface, qui apporte un éclairage sur les circonstances de composition du texte, son but et l'accueil aimable que Delille a fait à cet entreprise.+Dubois insère ensuite sa propre préface en français, qui apporte un éclairage sur les circonstances de composition du texte, son but et l'accueil que Delille a fait à cette entreprise.
  
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-de poèmes ont eu a leur naissance un  +Peu de poèmes ont eu a leur naissance un succès plus brillant et plus complet que l'//Homme des Champs// de M. Delille. Le nom de son illustre auteur, le silence qu'il avait gardé pendant tant d'années, le titre même de l'ouvrage, l'époque de sa publication, le besoin qu'avaient éprouvé tant d'ames sensibles, d'aller se recueillir dans le calme de la solitude champêtre, et de chercher, sous l'heureux abri des chaumières, le repos et la sûreté que pendant long-temps elles n'avaient plus espéré trouver dans le sein orageux des villes ; toutes ces circonstances réunies ont pu contribuer au succès merveilleux de ce poème(nbsp); mais bien moins sans doute que le mérite même de l'ouvrage, que l'aimable philosophie qui y règne, et les beautés sans nombre dont il étincelle. 
-succès plus brillant et plus complet que  +
-Homme des Champs de M. Delille. Le nom  +
-de son illustre auteur, le silence qu'il avait  +
-gardé pendant tant d'années, le titre même  +
-de l'ouvrage, l'époque de sa publication, le  +
-besoin qu'avaient éprouvé tant d'ames sen-  +
-sibles, d'aller se recueillir dans le calme de  +
-la solitude champêtre, et de chercher, sous  +
-l'heureux abri des chaumières, le repos et la  +
-sûreté que pendant long-temps elles n'avaient  +
-plus espéré trouver dans le sein orageux des villes; toutes ces circonstances réunies ont  +
-pu contribuer au succès merveilleux de ce  +
-poème ; mais bien moins sans doute que le  +
-mérite même de l'ouvrage , que l'aimable  +
-philosophie qui y règne, et les beautés sans  +
-nombre dont il étincelle. +
  
-Malgré tant d'attraits, il est douteux que  +Malgré tant d'attraits, il est douteux que j'eusse jamais entrepris de traduire en vers latins les //Géorgiques françaises//, si je n'y avais été engagé par des circonstances toutes particulières, et comme entraîné par une force irrésistible. Retiré a la campagne pendant le cours de nos dissentions politiques, également accablé sous le poids des maladies du corps et des peines de l'esprit, je n'avais de consolation que dans la tendresse de mes parents, dans les soins affectueux de quelques amis, dans la contemplation des merveilles de la nature et des attributs infinis de son divin auteur. Dans mes promenades solitaires j'avais souvent réfléchi sur les moyens qu'offre le séjour de la campagne pour y faire des heureux et pour l'être soi-même. Quand je lus pour la première fois l'//Homme des Champs// de M. Delille, je sentis mon imagination s'enflammer en voyant exprimées, dans un style enchanteur, quelques unes des idées qui avaient tant de fois occupé ma pensée et charmé mes ennuis. Lire et relire ce poème, le savoir par coeur, le traduire tout entier en vers latins, fut pour moi un amusement délicieux, et le travail de moins d'une année. 
-j'eusse jamais entrepris de traduire en vers  +
-latins les Qéorgùjues françaises, si je  +
-n'y avais été engagé par des circonstances  +
-toutes particulières, et comme entraîné  +
-par une force irrésistible. Retiré a la cam-  +
-pagne pendant le cours de nos dissen-  +
-tions politiques, également accablé sous le  +
-poids des maladies du corps et des peines de  +
-l'esprit, je n'avais de consolation que dans  +
-la tendresse de mes parents, dans les soins  +
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-templation des merveilles de la nature et des  +
-attributs infinis de son divin auteur. Dans  +
-mes promenades solitaires j'avais souvent réfléchi sur les moyens qu'offre le séjour de  +
-la campagne pour y faire des,heureux et pour  +
-l'être soi-même. Quand je luîjpour la première  +
-fois Homme des Champs de M. Delille, je  +
-sentis mon imagination s'enflammer envoyant  +
-exprimées, dans un style enchanteur, quel-  +
-ques unes des idées qui avaient tant de fois  +
-occupé ma pensée et charmé mes ennuis.  +
-Lire etrelire ce poème, le savoir par coeur,  +
-le traduire tout entier en vers latins, fut pour  +
-moi un amusement délicieux, et le travail de  +
-moins d'une année. +
  
-Je n'avais d'abord cherché qu'soulager  +Je n'avais d'abord cherché qu'à soulager en quelque sorte mon cœur, et qu'à satisfaire mon goût pour la poésie latine, goût que j'ai puisé dans les leçons de l'ancienne université de Paris, de cette école célèbre, dont la suppression a laissé des regrets si amers, et dont le rétablissement, sur des bases plus solides et plus vastes, sera mis au nombre des plus grands bienfaits de sa majesté impériale : je pensai dans la suite à rendre le fruit de mes veilles agréable à mes concitoyens, utile aux étrangers, et surtout à la jeunesse qui s'élève dans les lycées et dans les collèges. Je consultai d'anciens professeurs, connus par l'étendue de leurs lumières et par la pureté de leur goût(nbsp); je profitai de leurs avis(nbsp); j'employai une partie des courts intervalles de loisir que me laissent les pénibles fonctions de l'enseignement public, à revoir soigneusement mes essais, et à corriger ce que la chaleur d'une première composition y avait laissé de défectueux(nbsp); enfin, je n'ai rien négligé pour donner à mon travail toute la perfection dont il est susceptible. 
-en quelque sorte mon coeur, et qu'à satisfaire  +
-mon goût pour la poésie latine, goût que j'ai  +
-puisé dans les leçons de l'ancienne université  +
-de Paris, de cette école célèbre, dont la sup-  +
-pression a laissé des regrets si amers, et dont  +
-le rétablissement, sur des bases plus solides  +
-et plus vastes, sera mis au nombre des plus  +
-grands bienfaits de sa majesté impériale : je pensai dans la suite à rendre le fruit de mes  +
-veilles agréable à mes concitoyens, utile aux "  +
-étrangers, et surtout à la jeunesse qui s'é-  +
-lève dans les lycées et dans les collèges. Je  +
-consultai d'anciens professeurs , connus par  +
-l'étendue de leurs lumières et par la pureté  +
-de leur goût; je profitai de leurs avis; j'em-  +
-ployai une partie des courts intervalles de  +
-loisir que me laissent les pénibles fonctions  +
-de l'enseignement public, revoir soigneu-  +
-sement mes essais , et corriger ce que la  +
-chaleur d'une première composition y avait  +
-laissé de défectueux; enfin, je n'ai rien né-  +
-gligé pour donner à mon travail toute la per-  +
-fection dont il est susceptible. +
  
-Je suis loin sans doute d'avoir atteint le  +Je suis loin sans doute d'avoir atteint le but que je m'étais proposé. Un savant professeurà qui nous devons les meilleures traductions en prose de Virgile et d'Horace, a dit, avec une franchise qui fait honneur à sa modestiequ'une bonne traduction est le fruit du temps et de la patience(nbsp): on croira  
-but que je m'étais proposé. Un savant profes-  +aisément qu'il n'en faut pas moins pour réussir quand on traduit en vers latins. 
-seur qui nous devons les meilleures tra-  +
-ductions en prose de Virgile et d'Horace,  +
-a dit, avec une franchise qui fait honneur à  +
-ga modestie qu'une bonne traduction est le fruit du temps et de la patience : on croira  +
-aisément qu'il n'en faut pas moins pour réus-  +
-sir quand on traduit en vers latins. +
  
-L'auteur qui compose dans la langue ma-  +L'auteur qui compose dans la langue maternelle peut consulter ses contemporains sur le goût de son siècle, sur la véritable acception des termes qu'il emploie, enfin sur ceux que l'on pourrait admettre pour peindre a l'esprit une idée neuve : celui qui écrit dans une langue que l'on ne parle plus, est privé d'une partie de ces ressources. Virgile et Horace, qui sont si éloquents, si lumineux, quand nous les interrogeons sur la marche des passions, sur les profondeurs du cœur humain, sur les principes du goût ou de la morale, ne daignent pas toujours nous répondre quand nous les consultons sur la meilleure manière de rendre en latin des idées dont peut-être l'imagination de ces grands hommes n'a jamais été frappée, ou qui se présentent dans notre langue avec des nuances inconnues dans la leur. Ce n'est donc que par une grande habitude du style des anciens poètes latins, que l'on peut parvenir à revêtir des idées modernes de couleurs et d'expressions capables de satisfaire les connaisseurs, et de leur faire croire que ces grands maîtres les auraient employées eux-mêmes, ou que du moins ils ne les auraient pas condamnées. 
-ternelle peut consulter ses contemporains  +
-sur le goût de son siècle, sur la véritable ac-  +
-ception des termes qu'il emploie, enfin sur  +
-ceux que l'on pourrait admettre pour pein-  +
-dre a l'esprit une idée neuve : celui qui écrit  +
-dans une langue que l'on ne parle plus, est  +
-privé d'une partie de ces ressources. Virgile  +
-et Horace, qui sont si éloquents, si lumi-  +
-neux, quand nous les interrogeons sur la  +
-marche des passions, sur les profondeurs du  +
-coeur humain, sur les principes du goût ou  +
-de la morale, ne daignent pas toujours nous  +
-répondre quand nous les consultons sur la  +
-meilleure manière de rendre en latin des  +
-idées dont peut - être l'imagination de ces  +
-grands hommes n'a jamais été frappée, ou  +
-qui se présentent dans notre langue avec des nuances inconnues dans la leur. Ce n'est  +
-donc que par une grande habitude du style  +
-des anciens poètes latins, que l'on peut par-  +
-venir à revêtir des idées modernes de cou-  +
-leurs et d'expressions capables de satisfaire  +
-les connaisseurs, et de leur faire croire que  +
-ces grands maîtres les auraient employées  +
-eux-mêmes, ou que du moins ils ne les au-  +
-raient pas condamnées. +
  
-Ces difficultés, je l'avoue, m'ont souvent  +Ces difficultés, je l'avoue, m'ont souvent désespéré, et je ne me flatte pas de les avoir vaincues toutes avec un égal succès. Les peintures de nos goûts, de quelques uns de nos amusements et de nos travers, qui se trouvent dans le premier et dans le second chant(nbsp); toutes les descriptions du troisième, qui concernent les diverses révolutions du globe, les schistes, les végétaux fossiles, la formation des couches volcaniques, celle des montagnes et des marbres, l'organisation admirable des insectes et des plantes\  enfin le tableau d'un cabinet d'histoire naturelle, sont autant de matières totalement neuves et qui semblaient inaccessibles a la poésie. Il n'y avait que le pinceau de M. Delille qui pût leur faire franchir les limites du domaine trop obscur où elles étaient comme reléguées, et les produire avec éclat sur l'horizon poétique. 
-désespéré, et je ne me flatté pas de les avoir  +
-vaincues toutes avec .un égal succès. Les pein-  +
-tures de nos goûts, de quelques uns de nos  +
-amusements et de nos travers, qui se trou-  +
-vent dans le premier et dans le second chant;  +
-toutes les descriptions du troisième, qui con-  +
-cernent les diverses révolutions du globe, les.  +
-schistes, les végétaux fossiles, la formation  +
-des couches volcaniques, celle des montagnes  +
-et des marbres, l'organisation admirable des  +
-insectes et des plantesenfin le tableau d'un cabinet d'histoire naturelle, sont autant de  +
-matières totalement neuves et qui semblaient  +
-inaccessibles a la poésie. Il n'y avait que le  +
-pinceau de M. Delille qui pût leur faire fran-  +
-chir les limites du domaine trop obscur où  +
-elles étaient comme reléguées, et les produire  +
-avec éclat sur l'horizon poétique. +
  
-On sait avec quelle étonnante flexibilité  +On sait avec quelle étonnante flexibilité de talent l'auteur des //Géorgiques françaises// a consommé son entreprise, dans laquelle il n'avait été précédé par aucun poète latin, ancien ni moderne, qui pût me servir de modèle. Il m'a donc fallu plus d'une fois marcher sur des plages arides et incultes, sans  
-de talent l'auteur des Géorgiijues françaises  +secours, sans autre guide que le génie poétique qui respire dans le texte français, et qui seul m'a servi d'Apollon. 
-a consommé son entreprise, dans laquelle il  +
-n'avait été précédé par aucun poète latin, an-  +
-cien ni moderne, qui pût me servir de mo-  +
-dèle. Il m'a donc fallu plus d'une fois mar-  +
-cher sur des plages arides et incultes., sans  +
-secours, sans autre guide que le génie poé-  +
-tique qui respire dans le texte français, et  +
-qui seul m'a servi d'Apollon. +
  
-Par respect pour les dieux de la poésie la-  +Par respect pour les dieux de la poésie latine, j'ai transporté, autant que je l'ai pu, dans ma traduction, et fait imprimer en lettres italiques les vers de Virgile ou d'Horace, que le poète français a imités, et sur lesquels il n'est pas douteux qu'il voulait reporter l'imagination de ses lecteurs. 
-tine, j'ai transporté, autant que je l'ai pu,  +
-dans ma traduction, et fait imprimer en let-» très italiques les vers de Virgile ou d'Horace,  +
-que le poète français a imités, et sur lesquels  +
-il n'est pas douteux qu'il voulait reporter  +
-l'imagination de ses lecteurs. +
  
-L'ouvrage que l'on offre aujourd'hui au  +L'ouvrage que l'on offre aujourd'hui au public ne contient qu'environ soixante-dix vers de moins que le texte original imprimé a Strasbourg en l'an VIII, et que l'on a suivi pour cette traduction. J'ai eu souvent le bonheur de rendre chaque vers français par un vers latin ; mais je n'ai pas cru devoir m'assujétir partout à cette marche servile, indigne de la poésie, dont elle défigurerait le plus souvent les chefs-d'œuvre, au lieu d'en retracer les beautés. Quand on traduit un poète, ce ne sont pas les mots ni la coupe des phrases qu'il faut représenter, c'est la chaleur et l'harmonie du style, c'est la force et la justesse de la pensée, c'est la grâce ou la noblesse des images, qu'il faut rendre ; et voila ce que j'ai essayé de faire, autant qu'ont pu me le permettre la faiblesse de mes moyens et le génie  
-public ne contient qu'environ soixante-dix  +de la langue latine, dont la gravité mâle et sévère ne s'accorde pas toujours avec les grâces vives, sémillantes et quelquefois un peu coquettes de la langue française. 
-vers de moins que le texte original imprimé a  +
-Strasbourg en l'an vin, et que l'on a suivi pour  +
-cette traduction. J'ai eu souvent le bonheur  +
-de rendre chaque vers français par un ver3  +
-latin ; mais je n'ai pas cru devoir m'assujétir  +
-partout cette marche servile, indigne de  +
-la poésie, dont elle défigurerait le plus sou-  +
-vent les chefs-d'oeuvre, au lieu d'en retracer  +
-les beautés. Quand on traduit un poète, ce  +
-ne sont pas les mots ni la coupe des phrases  +
-qu'il faut représenter, c'est la chaleur et l'har-  +
-monie du style, c'est la force et la justesse de  +
-la pensée, c'est la grâce ou la noblesse des  +
-images, qu'il faut rendre j et voila ce que j'ai essayé de faire, autant qu'ont pu me le per-  +
-mettre la faiblesse de mes moyens et le génie  +
-de la langue latine, dont la gravité mâle et  +
-sévère ne s'accorde pas toujours avec les grâces  +
-vives, sémillantes et quelquefois un peu co-  +
-quettes de la langue française.  +
- +
-Au reste j'ai lieu de croire que ma manière  +
-de traduire n'a pas déplu a M. Delille : l'ac-  +
-cueil favorable que cet illustre patriarche du  +
-Parnasse français a bien voulu faire à ma tra-  +
-duction, toutes les fois que je la lui ai com-  +
-muniquée; les éloges que j'en ai reçus, et qui  +
-seraient trop flatteurs pour moi, si je pouvais  +
-y voir autre chose que des encouragements  +
-honorables; enfin la permission qu'il m'a ac-  +
-cordée de lui faire hommage de mon tra-  +
-vail; tout me fait espérer que ce fruit de mes  +
-veilles ne sera pas indigne de l'estime des con-  +
-naisseurs, ni inutile à la jeunesse, que j'ai  +
-eue particulièrement en vue en mettant au jour ce premier essai. Puisse-t-il entrete-  +
-nir, parmi les élèves des lycées et des col-  +
-lèges ,■ le goût des muses latines et fran-  +
-çaises , enflammer le génie, et enhardir  +
-quelque jeune Homère a chanter un jour les  +
-exploits des héros français dans des vers im-  +
-mortels comme leur gloire ! +
  
 +Au reste j'ai lieu de croire que ma manière de traduire n'a pas déplu à M. Delille : l'accueil favorable que cet illustre patriarche du Parnasse français a bien voulu faire à ma traduction, toutes les fois que je la lui ai communiquée(nbsp); les éloges que j'en ai reçus, et qui seraient trop flatteurs pour moi, si je pouvais y voir autre chose que des encouragements honorables ; enfin la permission qu'il m'a accordée de lui faire hommage de mon travail ; tout me fait espérer que ce fruit de mes veilles ne sera pas indigne de l'estime des connaisseurs, ni inutile à la jeunesse, que j'ai eue particulièrement en vue en mettant au jour ce premier essai. Puisse-t-il entretenir, parmi les élèves des lycées et des collèges, le goût des muses latines et françaises, enflammer le génie, et enhardir 
 +quelque jeune Homère a chanter un jour les exploits des héros français dans des vers immortels comme leur gloire[(//Id//, p. !!vii-xvi!!.)](nbsp)! 
 </WRAP> </WRAP>
  
-**Sur le concept de "géorgiques"**+===== Une adresse à l'Angleterre =====
  
-La préface poursuit en vantant la longue expérience de traducteur déjà acquise par Ercolani et son habileté métriquedeux qualités qui doivent lui permettre de respecter la "niditezza[(//Id//., p.\ !!vii!!.)]", la netteté du style de Delille. Puis le texte revient sur la parenté avec Virgile que le sous-titre de //L’Homme des champs// revendique\ : "Queste nuove Georgiche non hanho niente di comune con quelle che sono finora uscite alla luce\ ; e il nome di Georgiche s’impiega in un senso molto più esteso dell’ordinario significato[("Ces nouvelles Géorgiques n’ont rien de commun avec celles qui ont vu le jour jusqu’ici\ ; et le nom de Géorgiques s’emploie dans un sens beaucoup plus étendu que d’ordinaire", //id//., p.\ !!vii-viii!!.)]", remarque l’auteur, juste avant de résumer le contenu de chaque section du poème.+Troisième élément ajouté par Dubois, un second poème liminaire prend les Anglais à partie.
  
-**Évaluation du chant 3**+<WRAP round box 60%> 
 +<tab>AD ANGLIAM  
 +\\ //Cum pax Tilsittico fœdere sancita Claromontii ad Isaram celebraretur due mentis augusti secundi, anno 1807//.
  
-Comme chez de nombreux critiques, le chant 3 fait alors l’objet d’un **éloge marqué**. Pour le préfacier, cette section de l’œuvre est la plus innovante\ :+<tab>OMEN
  
-<WRAP round box 60%> +<tab>Ille quis attonitas tantus fragor impulit aures?  
-<tab>Il terzo canto è consacrato all’osservatore naturalista. Circondato questi dalle opere e dalle maraviglie della natura si applica tutto a conoscerle e così procaccia maggior interesse alle sue passeggiate, maggiori attrattive al suo domicilioe più occupazione ai suoi ozj si forma un gabinetto di storia naturaleornato non di maraviglie stranierema di quelle che lo circondano, e che nate nel proprio suolo gli divengono vieppiù interessantiIl soggetto di questo canto è il più fecondo di tuttie non fù aperta mai alla poésia una carriera più vasta e più nuova[("Le troisième chant est consacré à l’observateur naturaliste. Entouré des œuvres et des merveilles de la nature, il s’applique entièrement à les connaître ; il trouve un plus grand intérêt à ses promenadesplus d’attraits à son domicile et plus d’occasions d’occuper ses loisirs il se constitue un cabinet d’histoire naturelleorné non pas de merveilles étrangèresmais de celles qui l’entourent et qui, nées sur son propre sol, lui deviennent par là plus intéressantes. Le sujet de ce chant est le plus fécond de tous et jamais une carrière plus vaste ni plus neuve n’a été ouverte à la poésie", //id//., p.!!x-xi!!.)].+\\ Æra tonant latèfestis clamoribus Echo  
 +\\ Personatet lætis concurrunt ignibus ignes 
 +\\ Nempè triumphali curru subvecta per urbes  
 +\\ Ingrediturreducemque tenens victoria pacem  
 +\\ Arridet populislaurosque innectit olivæ 
 +\\ <tab> Quid juvat æternis Europam accendere bellis 
 +\\ Venalesque animas certæ conducere morti[(NDA: "Toutes les coalitions formées par l'Angleterre n'ont été que des sources de malheurs pour le Continent, et ses traités d'alliance et de subsides des arrêts de mort pour les peuples qui ont en la faiblesse de compter sur les vaines promesses de cet allié impuissant.")] 
 +\\ Anglia? nempè ut opes toto conquirere mundo  
 +\\ Detur, et immensum domineris sola per æquor.  
 +\\ Jam vexare tuis impunè furoribus orbem  
 +\\ Sat licuitnunc nunc vesano absistere bello  
 +\\ Expedit. Ecce tuum ferro funestius aurum  
 +\\ Respuit indignans Europa, minasque refellit.  
 +\\ Aspice Sarmaticas Niemen quà dividit oras,  
 +\\ Magnus ut incedat gemino[(NDA: "Les victoires d'Iénad'Evian et de Friedlandremportées par l'Empereur Napoléon sur les Prussiens et les Russes.")] ter victor ab hoste  
 +\\ Napoleovictisque bonus det munera pacis.  
 +\\ Longiùs infido te credere desine ponto: 
 +\\ Cuncta adversa time: dudùm te prospicit ales  
 +\\ Nostri tela jovis portans, justumque minatur  
 +\\ Excidium; mora nulla, aderit: per saxa, per undas  
 +\\ Ingeniosa viam sibi findet Gallica virtus;  
 +\\ Et tot opes fuso populorum sanguine partas  
 +\\ Eripiet, Galloque feret donaria Marti[(//Id//, p. !!xvii-xviii!!.)].
 </WRAP> </WRAP>
- 
 ===== Le traitement des vers ===== ===== Le traitement des vers =====
  
-Ercolani cherche à traduire scrupuleusement les alexandrins de Delille"colla massima fedeltà ed esattezza[(//Id//., p. !!vii!!.)]" (avec la plus grande fidélité et exactitude). Mais son approche **privilégie le signifié sur le signifiant**. On peut en juger dans ce passage, transposition des vers très admirés de Delille sur le grain de sable ([[chant3#v201|chant 3, vers 201-220]]):+La traduction de Dubois est fidèlemais peu soucieuse de l'harmonie du texte original. On peut en juger dans la transposition du passage sur le grain de sable ([[chant3#v201|chant 3, vers 201-220]])(nbsp):
  
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-Ma senza abbandonar le vostre valli, +Imò et dilectos montesvallesque secutus,  
-\\ I monti vostrid’un consunto marmo +\\ Marmoris exesi tenuissima fragmina cerne.  
-\\ Sul più minuto avanzo il gurado affiso+\\ Quot subiit lapis ille vicesquot divite venâ  
-\\ Qual ricco monumento\ e qual non leggo +\\ Includit veterum monumenta insignia rerum!  
-\\ Gran storia scritta in tante sue vicende\ +\\ Scilicet exuviis animantûm aggestus adactis  
-\\ Già questo marmo dalle spoglie surse +\\ Debuit ille ortumsuaque incrementa ruinæ.  
-\\ Dell’animato imperoe fu formato +\\ Verùm ad relliquias, queis constititusque serendas,  
-\\ Dalle distruzion\ ; gli atomi varj +\\ Quot vivæ species animas per sæcla dedêre!  
-\\ Onde creardi che il costrusser l’acque+\\ Tempore quàm longo freta eum volvère sub undis!  
-\\ Qual nuero infinito non perio +\\ In sua regna salum rediens hunc liquerat olim  
-\\ Di generazion\ quanti anni e quanti +\\ Montibus in summis; tempestas indè revulsum  
-\\ Sovr’esso il mar non corse\ e quanto tempo +\\ Volvit in oceanum; ejectusque in littora ponto  
-\\ Nel seno lor nol strascinaron l’onde\ ! +\\ Substititabsorptusque iterum est iterumque repulsus  
-\\ Dagli alti monti ne’ suoi cupi abissi +\\ Fluctibus æquoreissic longâ ætate peresus  
-\\ Scendendo, l’oceàn lanciollo un tempo +\\ Pertulit oceanumventoscoelique procellas.  
-\\ Sulle lor cime\ la tempesta ai mari +\\ Deniquè primævis æquævum montibus ingens  
-\\ Lo ricondusse\ il rigettò nel lido +\\ Quod saxum fueratjacet hìc miserabile granum:  
-\\ Poi’l mare ancorlo ripigliòlo rese+\\ At sæclis, cæloque, freto, terrâque creatum  
-\\ Cosi dagli anni consumato e roso +\\ Totius annales hoc granum amplectitur orbis[(//Id//., p. 157.)]. 
-\\ Sostenne i ventii flutti e la procella. +
-\\ Alfin coetaneo umil di quel gran monti +
-\\ Fu questo marmo un sasso\ ; or questo sasso +
-\\ Rimasso è un grano\ ; ma del tempo figlio +
-\\ Della terra e dell’onda in sulla storia +
-\\ Di questo gran, quella del mondo è scrita[(//Id//., p. 104-105.)].+
 </WRAP> </WRAP>
 +===== Impact sur la diffusion de l'œuvre =====
  
-Par rapport à la [[maunderural|traduction anglaise de Maunde]], par exemple, ces vers sont indéniablement fidèles au sens du texte source. En revanche, bien qu’il utilise 25 vers pour en rendre 20, et malgré les facilités que lui offre l’absence de rimes, Ercolani ne semble pas tenter de reproduire les jeux homophoniques de l’original.+Le travail de Dubois est commenté dans :
  
-===== Le traitement des notes =====+  * Anonyme, "[[mercurebelgecrdubois|Traduction en vers latins, des Géorgiques françaises de Delille, par M. Dubois, professeur de rhétorique à l'Athénée de Tournay]]”, //Mercure belge//, t.(nbsp)II, 1818.
  
-De nombreuses notes sont réduites, voire totalement éliminées\ : c’est ainsi que le chant 1, qui compte 9 notes dans la version de 1800, n’en comporte plus que 7, tandis que pour le chant 4, elles passent de 13 à 1. 
- 
-Le troisième chant fait cependant exception. D’une part, même s’il les condense au point de les réduire à une douzaine de pages, Ercolani conserve 47 des 52 notes de l’édition de 1800. D’autre part, le traducteur procède à un **ajout** important. Lorsqu’il transpose les vers 175-176, "Gloire, honneur à Buffon, qui, pour guider nos sages, / Éleva sept fanaux sur l’océan des âges", objets dans la version française d’une note où Delille indiquait procéder à un emprunt, Ercolani élimine cette remarque tout en l'éclairant, puisqu'il lui substitue un tableau des sept époques géologiques déterminées par Buffon (qui les avait déjà désignées par cette métaphore) – une précision entièrement absente de l’original[(//Id//., p.\ 131-132.)]. 
- 
-**Les notes proprement scientifiques du poème apparaissent donc comme un ensemble moins aisément dispensable que les autres commentaires**\ : en les réduisant, Ercoli diminue l’aspect didactique de cette partie du poème, mais il ne le gomme pas entièrement et peut même, ponctuellement, le renforcer. 
- 
-===== Impact sur la diffusion de l'œuvre ===== 
  
-Cette version italienne de //L'Homme des champs// ne semble pas avoir fait l'objet de comptes rendus ou reprises. 
 ===== Liens externes =====  ===== Liens externes ===== 
  
-  * Accès à la numérisation du texte : [[https://books.google.ch/books?id=l9PPL9SNIFMC|GoogleBooks]].+  * Accès à la numérisation du texte : [[https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5452313m|Gallica]].
  
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-Auteur de la page  --- //[[hugues.marchal@unibas.ch|Hugues Marchal]] 2017/05/01 01:06//+Auteur de la page   --- //[[hugues.marchal@unibas.ch|Hugues Marchal]] 2019/06/02 19:48// 
 +\\ Relecture --- //[[morgane.tironi@stud.unibas.ch|Morgane Tironi]] 2022/08/06 19:28//