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colnetcompterendujournaldopposition [2017/08/25 18:00] Nicolas Leblanccolnetcompterendujournaldopposition [2017/08/25 21:53] Nicolas Leblanc
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 ===== La critique du chant III  ===== ===== La critique du chant III  =====
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 +  * **Des négligences dans la versification**
  
 Lorsqu'il aborde le troisième chant, Colnet commence comme il en a l'habitude par pointer quelques défauts. À l'en croire, Delille s'y est montré quelque peu négligent en matière de versification. Les mêmes rimes reviennent trop souvent et c'est selon Colnet un signe de la méthode de composition disparate de l'auteur. Un peu à la manière de Chaussard, le critique aligne un nombre impressionnant d'exemples pour étayer ses dires : Lorsqu'il aborde le troisième chant, Colnet commence comme il en a l'habitude par pointer quelques défauts. À l'en croire, Delille s'y est montré quelque peu négligent en matière de versification. Les mêmes rimes reviennent trop souvent et c'est selon Colnet un signe de la méthode de composition disparate de l'auteur. Un peu à la manière de Chaussard, le critique aligne un nombre impressionnant d'exemples pour étayer ses dires :
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 \\ <tab> C'est en partie à cet isolement des différents tableaux, qu'il faut attribuer les nombreuses négligences dont ce poëme fourmille. Le troisième chant est celui qui prête le plus à la censure, par les répétitions des mêmes rimes, que l'on rencontre à chaque instant. Il est vrai que les auteurs anglais, \\ <tab> C'est en partie à cet isolement des différents tableaux, qu'il faut attribuer les nombreuses négligences dont ce poëme fourmille. Le troisième chant est celui qui prête le plus à la censure, par les répétitions des mêmes rimes, que l'on rencontre à chaque instant. Il est vrai que les auteurs anglais,
- dont la langue est beaucoup plus riche que la nôtre, se permettent ces répétitions, sans choquer leurs lecteurs; mais chez nous, on les impute à la pauvreté de l'écrivain. Qui croiroit donc que, dans un petit nombre de vers, M. l'abbé Delille ait pu rapprocher des autres ceux que je vais citer [(//Ibid.//, p. 300-301.)]   + dont la langue est beaucoup plus riche que la nôtre, se permettent ces répétitions, sans choquer leurs lecteurs; mais chez nous, on les impute à la pauvreté de l'écrivain. Qui croiroit donc que, dans un petit nombre de vers, M. l'abbé Delille ait pu rapprocher des autres ceux que je vais citer 
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 +\\ Buffon quitta trop peu sa retraite //profonde//,  
 +\\ Des bosquets de Montbard Buffon jugea le //monde// 
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 +\\ La mer couvrit les uns par des couches //profondes//,  
 +\\ D'autres ont recouvert le vieux séjour des //ondes//
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 +\\ Lança sur l'eau la terre, et la terre dans l'//onde//, 
 +\\ Et roula le chaos sur les débris du monde. 
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 +\\ Leurs traits inaltérés, leurs couches plus //profondes//,  
 +\\ Des lits que de la mer ont arrêté les ondes.  
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 +\\ Dans la concavité de ses roches //profondes//.  
 +\\ Où des fleuves futurs l'air déposoit les //ondes//.  
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 +\\ Jusqu'au sommet des monts lança la mer //profonde//,  
 +\\ Et tourmente en courant les airs, la terre et l'//onde//.  
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 +\\ Mais, fils du tems, de l'air, de la terre et de l'//onde//,  
 +\\ L'histoire de ce grain est l'histoire du //monde//.  
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 +\\ Tous ces nombreux vaisseaux, suspendus sur les //ondes//,  
 +\\ Sont le nœud des états, les couriers des deux //mondes//.  
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 +\\ Echanges éternels de la terre et de l'//onde//,  
 +\\ Qui semblent lentement se disputer le //monde//.  
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 +\\ Là, le Tems a tracé les annales du //monde//, 
 +\\ Vous distinguez ces monts, lents ouvrages de l'//onde// 
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 +\\ Ici, de frais vallons, une terre //féconde//;  
 +\\ Là des rocs décharnés, vieux ossements du //monde//.  
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 +\\ Mais la grandeur d'un Dieu, mais sa bonté //féconde//,  
 +\\ La nature immortelle, et les secrets du //monde//.  
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 +\\ Ils offrent de plaisirs une source //féconde//,  
 +\\ L'extrait de la nature et l'abrégé du //monde//.  
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 +\\ Enfin tous ces objets, combinaison //féconde//,  
 +\\ De la flamme, de l'air, de la terre et de l'//onde//.  
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 +\\ Chefs d'oeuvre d'une main en merveilles //féconde//, 
 +\\ Dont un seul prouve un Dieu, dont un seul vaut un //monde//,  
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 +\\ L'on ne m'accusera pas d'aimer trop peu l'abbé Delille; je dois cependant avouer que ces négligences déparent son poëme; espérons qu'une nouvelle édition les fera disparoître[(//Ibid.//, p. 301-303)]
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 +* **Une peinture saisissante** 
 +Après le temps des reproches vient celui des louanges. Les petits défauts qui entachent l'ouvrage de Delille ne doivent pas masquer ses beautés abondantes. Colnet, comme beaucoup d'autres critiques, exalte le passage dans lequel Delille imagine un visiteur parcourant une ville autrefois détruite par une éruption volcanique. Il met particulièrement l'accent sur la capacité du texte à se faire image. L'énergie, première qualité de la peinture delillienne selon Colnet, est l'effet attendu de l'hypotypose :  
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 +\\ <tab> Mais dans ce moment, où je m'appesantis sur ces fautes légères,  
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 +\\                  //Quas aut incuria fudit// 
 +\\        //aut humana cavit parum natura...//[(Colnet cite ici un célèbre passage de l'épître aux Pisons dans lequel Horace soutient que si les beautés d'un poème sont en grand nombre, on peut pardonner quelques fautes)]. 
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 +\\ mes yeux se portent sur la foule des beaux vers qu'offre cet ouvrage. Quelle énergie dans la peinture des éruptions volcaniques ! Je vois ces monumens 
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 +\\ D'hommes qui semblent vivre encor tout habités,  
 +\\ Simulacres légers prêts à tomber en poudre,  
 +\\ Tous gardant l'attitude où les surprit la foudre [(Colnet du Ravel, art. cit., p. 303)]. 
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 +* **Contre Ginguené** 
 +L'une des grands chevaux de bataille de Colnet, comme on aura déjà pu s'en apercevoir, est d'assurer une opposition ferme et continuelle aux Idéologues de l'Institut. Dans la dernière partie du compte rendu, il réagit à une critique qu'avait formulée Ginguené dans la recension du poème qu'il avait écrite pour la //Décade//. Selon lui, la critique de Ginguené est motivée par un détestable esprit de parti :  
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 +\\ <tab> A cette description succède l'éloge de Buffon. Je lis et j'admire ce vers de goût : Buffon,  
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 +\\ Par ses ambassadeurs courtisa la nature. 
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 +\\ Ici le rédacteur de la Décade, Ginguené, s'écrie : "Vous avez tort de l'appeler un grand génie, puisqu'il n'a pas vu la nature par lui-même." Quelle puérile objection ! Buffon cesseroit-il donc d'être un homme de génie, parce qu'il auroit ajouté foi trop aveugle aux relations des savans qu'il envoyoit dans les pays étrangers, pour y observer la nature?  
 +// C'est ce même Ginguené, qui blâme dans le premier chant le portrait du curé, parce qu'il n'est pas assez philosophique; c'est le même Ginguené qui reproche à l'Homme des Champs des fautes (1) qui ne peuvent être attribuées qu'à l'imprimeur, tant est aveugle l'esprit de parti ! C'est enfin ce Ginguené qui veut opposer à notre Virgile un je ne sais quel Lebrun, membre de l'Institut national. Nous ne tarderons pas à les mettre l'un et l'autre à leur place ; en attendant, pardonnons aux taches de l'Homme des Champs, en faveur des beautés dont il étincelle[(//Ibid.//, p. 303-304)]. 
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 +===== Liens externes ===== 
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 +Accès à la numérisation du texte :  [[https://books.google.fr/books?redir_esc=y&hl=fr&id=z0B-8tS_DqsC&q=colnet+du+ravel#v=onepage&q=journal%20d'opposition&f=false|Google Books]] 
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 +---- 
 +Auteur de la page   --- //[[nicolas.leblanc@unibas.ch|Nicolas Leblanc]] 2017/08/25 21:51// 
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